Résumé du roman - Elles
Fukushima, "Sendai mon amour", Hamlet, les fantômes des hibakushas, l'amour qui unit ou sépare sur des malentendus, des illusions ; ce roman écrit en vers libres parle de tout cela.
Deux femmes à chercher l’autre là où il n’est pas. Deux hommes enfermés dans leur création à mélanger les mondes, à s’y perdre ; à retrouver leurs forces dans cet amour qu’ils proclament. L’un dans le reflet d’une plume, l’autre dans la transcendance d’une note de musique.
Superposition des êtres, des temps, des lieux. Aimer comme une errance de soi.

Divers extraits du roman - Elles
(...)
Hiroshi peignait avec les mots
Son écriture
Par endroits
Une sculpture
Sa plume explorait des terres
Où pas même le pas avait la certitude d’un sol 
Sa poésie
Ne faisait pas recette
Sa condition sociale
L’avait mis à l’abri du besoin
Il pouvait écrire sans compter
Seuls les mots lui faisaient quelquefois défaut
Il était la figure de proue 
D’un petit groupe
En marge du monde 
Il écrivait
Pour faire quelque chose
Il écrivait pour jouer avec la vie
Mais surtout avec la mort
Il aimait la défier
S’en approcher
Parfois une volonté de la détruire
Comme s’il en avait les moyens
Entre chaque page
Il en laissait une blanche
Juste pour elle
Lorsqu’il ne la sentait plus
Il prenait la plume
Et l’enfonçait à meurtrissure
Dans les veines de sa poésie 
Un besoin de savoir
Jusqu’où le souffle
(…)
(…)
Toi 
Le poète
Tes mots
Devenus de simples soldats 
Partis en éclaireur 
A ma seule recherche 
Comment te dire
Qu’il te fallait deviner
Tout ce que l’amour 
En son mutisme le plus glacial
Sendai mon amour
La force de l’intérieur
Sendai mon amour
Nous seuls
Si seuls 
Qui peut oublier 
Tout ce que la source
 
Lorsque je t’ai rencontré
Tu savais avant moi
(…)
Que cherche-t-on
Là où nous nous trouvons
L’espace de ce temps 
Que nous traversons 
Le Japon 
En mes veines
Mon pas s’emboitait naturellement au tien
Avant cet instant 
Où je n’ai plus rien reconnu
Comme si tout ce que nous avions vécu
Avait subitement disparu
Je savais que c’était là
Sans rien pouvoir saisir 
Incommensurable impuissance
A rassembler mes forces 
Pour être 
A nouveau
Mais quoi au juste  
J’avais le désir immense de te retrouver
Je demeurais dans l’impossibilité terrifiante 
Du moindre mouvement 
Nous sommes de grands bâtisseurs
Nous sommes de grands destructeurs
Nous ne savons pas toujours 
Ce que nos pas 
(…)
(...)
On ne retrouve pas l’autre 
Parce qu’il revient 
Il était à quelques pas de la sortie
Il s’arrêta 
Se frotta les yeux 
Il n’avait pas de bagage
 
Il resta un moment 
Immobile
Les yeux fermés
Au milieu de la foule 
Derrière tes paupières closes
J’avais le sentiment 
Que tu reconstituais mon image 
Comme une force nécessaire 
Pour le pas suivant 
A cet instant j’ai failli crier ton nom
Mais la paroi de verre 
M’a soudainement arrêtée 
J’ai fermé moi aussi les yeux
La peur me terrassait
Tout était noir
Silencieux alentour
Derrière la glissière de mes paupières 
Je t’ai aperçu
Flottant au milieu des eaux
(…)
(…)
Lorsqu’il rencontra Anne 
Le frémissement d’un mouvement
Une empreinte familière
Elle portait 
A évincer 
A faire oublier
Tout ce qui avant 
  
La note était là
Dans cette voix
Une caresse
A l’anéantir
 
La puissance des peaux
Où l’imperceptible 
Dès qu’il était en elle
Il composait comme jamais 
Il avait besoin d’elle
Comme la plume de son encre
 
Lorsque leurs regards 
Pour la première fois se croisèrent
Il était marié depuis 20 ans avec Hélène
Ils n’avaient pas d’enfants
Il n’y avait pas de place 
Pour cette création-là
Hélène avait très vite renoncé 
A son désir de maternité
Seule sa musique 
  
Pendant toutes ces années 
Ils furent comme les deux doigts d’une seule main
Mais dans le silence de ses nuits
Johannes savait qu’une clé lui manquait 
Lorsqu’il rencontra Anne
La note 
Dans son regard
Sa voix s’en faisait l’écho bouleversant
Elle portait avec un naturel déconcertant 
Cette clé qu’il avait toujours recherchée
(…)
Comme savait si bien le dire le cinéaste
L’amour ça fait mal
C’est sans doute cette douleur particulière
Qui lorsqu’elle nous pénètre
Nous fait penser à l’amour
Nous glissons les uns sur les autres
Sans véritablement s’atteindre
Lorsque nous croyons avoir rencontré
Ce n’était que de la jouissance
Une peau qui suintait d’impatience
Un désir d’amour à s’y méprendre
(…)