2019 - Wajdi Mouawad - Anima

"Anima", Wajdi Mouawad - Actes Sud


Certains livres viennent à nous…Comme un chemin initiatique que l’on n’a pas envie d’emprunter. Ce chemin est paradoxalement un souffle…Ultime rescapé du chaos, des profondeurs obscures de l’être où les luttes sont d’impitoyables épreuves avec soi-même, avec l’autre, avec le monde. 

 

Ce livre est le roman de Wajdi Mouawad « Anima ». 

 

Le récit s’ouvre sur un meurtre d’une terrifiante sauvagerie. Celle que l’on a tuée était la femme du protagoniste, Wahhch Debch. Elle était enceinte ! Elle a été violée avant d’être tuée ! Le ton est donné. 

 

Non…ce n’est pas un roman policier. Non…ne pas refermer le livre.

 

Ce meurtre fait remonter les spectres du passé. Des ombres qui vont pousser Wahhch à partir à la recherche du meurtrier…Voir son visage ! Comme si sous ces traits assassins, d’autres traits pouvaient apparaître. Il va traverser des terres, le Canada, les États-Unis, pour atteindre les rives mémorielles de terres oubliées, le Liban. Une zone obscure où autrefois l’enfance. Une enfance à déterrer de ses propres mains.

 

Une à une les pages nous conduisent dans les pas, sous la peau, dans les viscères de Wahhch, jusqu’aux tréfonds de l’âme. 

 

L’une des forces narratrices du récit vient de la nature singulière des différents narrateurs qui se succèdent au fil de cette traversée. Ces narrateurs, simples témoins, sont les animaux qui vont croiser le chemin de Wahhch. Des oiseaux, protecteurs ou rapaces, des animaux domestiques, chiens, chats, un singe, des insectes de toutes sortes et toutes ces vies animalières invisibles qui nous entourent. 

 

Chacun va tisser un morceau de cette toile où les époques et les guerres civiles (guerre de Sécession aux États-Unis, massacre de Sabra et Chatila au Liban) vont fusionner et devenir l’écho d’une mémoire qui lentement va s’éveiller et finir par éclairer les mystères d’une enfance embuée par l’amnésie.   

 

Cette force narrative animalière, d’une humanité qu’a perdue l’homme, va finir par s’incarner dans une bête sauvage où celui qu’elle va protéger et sauver va l’apprivoiser sans le vouloir. Un double qui va devenir une union fraternelle, fusionnelle…une énergie résurrectionnelle.

 

Wajdi Mouawad a trempé sa plume à vif dans les chairs humaines pour atteindre l’écorce de l’âme. Creusant au canif les épaisses couches successives…jusqu’à expulsion. Anima. 

 

Une plume qui nous laisse le goût âcre d’une nature humaine…inhumaine et des guerres fratricides. 

 

Il n’est plus possible de respirer comme avant après avoir lu « Anima ».

 

Un livre d’une incontestable puissance déconcertante qui interroge aussi sur l’histoire des peuples. 


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