2021 - Notturno - Gianfranco Rosi

"Notturno", un film documentaire de Gianfranco Rosi



Tourné aux frontières de la Syrie, du Liban, du Kurdistan et de l’Irak, ce documentaire tente de nous parler de toutes ces guerres, en faisant de ces divers espaces un no man’s land aux contours incertains. 

 

Ce parti pris cinématographique entretient une singulière distance avec ces lieux de guerre, mais aussi avec ceux qui combattent et survivent au quotidien dans ces zones de conflits. Un parti pris esthétique où la beauté des prises de vues semble étrangement primer sur le tragique du contenu. 

 

Qui sont ces protagonistes qui ont accepté de se laisser ainsi filmer dans leur quotidien, dépeints telle une matière silencieuse dans leur intimité et leur douleur distillées tout au long d’un montage ? On en saura peu. Tous resteront des ombres impersonnelles qui finiront par devenir des « personnages » dans une déconcertante mise en scène. Un dispositif créatif provoquant un certain « malaise » en pareil contexte.

 

Et pourtant, dès les premiers plans on est porté par la beauté de l’image, des cadrages et par toute cette poésie qui les incarne dans l’habillage d’un esthétisme magistralement orchestré. Non, ce n’est pas une fiction. Nous sommes bien au cœur du réel, des guerres et de la souffrance humaine. Celle de tous ces peuples qui luttent contre les monstres de Daesh, leur barbarie et tous ceux qui ont pris leur destin en otage. 

 

Les frontières se diluent. Un faux-semblant. Un réel à la lisière du fictionnel. Un enchevêtrement de plans où chacun semble conçu comme une œuvre picturale. Un traitement qui pose question. Une ambiguïté cinématographique qui interpelle jusqu’à « l’éthique ».

 

Demeurent néanmoins quelques scènes d’une incroyable force qui nous renvoient pleinement au réel sans artifice. 

 

L’une d’elle concerne les terribles témoignages d’enfants qui commentent leurs propres dessins. Des reproductions mémorielles représentant les actes assassins de Daesh et toutes leurs monstruosités qui hantent les souvenirs de toutes ces enfances anéanties par la barbarie. Ces enfants, interrogés par leur institutrice dans un tête-à-tête qui glace, racontent ce que chacun a subi ou ce dont il a été témoin. C’est dans ce troublant et épouvantable paradoxe que l’on retrouve l’authenticité du réel propre au documentaire. 

 

L’autre moment fort concerne cette immersion dans un hôpital psychiatrique où des patients sont sélectionnés pour jouer une pièce de théâtre. Un acte thérapeutique où chaque rôle est spécifiquement écrit pour chaque « cas ». Des voix en errance qui sur scène évoquent le destin et l’histoire tragiques de leur pays. 

 

On ne saura rien d’eux. Mais c’est dans la véracité de ces textes que chaque protagoniste va tenter d’affronter sa propre histoire sans jamais nous la raconter. Les gros plans sur leurs visages s’efforceront de dire l’essentiel de ce qui les concerne.

 

Malgré ces moments d’une grande intensité, demeure une troublante et déconcertante impression du "traitement du réel". 

Lien du film - Site AlloCiné
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