2021 - Notes cinématographiques



Notes cinématographiques - une sélection éclectique entre films d’auteurs et blockbusters - 2021

 

 

"Drive my car" de Ryusuke Hamaguchi

 

Un pur chef d'œuvre où les scènes de divers théâtres forment un subtil tissage avec le réel et la vie des personnages. Jeux de miroirs aux multiples facettes, à faire du silence un magnifique langage et d'un simple véhicule l'espace clos de travellings intérieurs.



"Dune" de Denis Villeneuve

 

David Lynch n'a nullement à rougir de sa version de 1984. Elle a le mérite d'être incarnée par de vrais personnages, contrairement à celle de Denis Villeneuve totalement déshumanisée par un Paul sans charisme. Les scènes de combats font parfois penser dans « leurs mécaniques » à des jeux vidéo. La musique, assourdissante, préfigure lourdement l’atmosphère des scènes à venir, comme si elle comblait les failles de la narration et la pauvreté des dialogues. 

 

Le décor et les hélicoptères libellules sont la réussite de ce film, ainsi que le personnage du Baron. Mais la seule prouesse technique ne suffit pas pour donner corps à une œuvre cinématographique, surtout quand les scènes ressemblent à des tableaux dans un montage qui ne les raccorde pas. Quant aux vers géants, ils sont du déjà-vu ; alors que David Lynch n’avait pas à l’époque à sa disposition les moyens techniques d’aujourd’hui. 

 

Et dans un déconcertant paradoxe, le film commence à prendre forme dans sa trame narrative au moment où tombe comme un couperet le générique de fin ! 

 

Quand le marketing veut faire croire au renouveau du cinéma… il l’éteint.



"Compartiment n°6" de Juho Kuosmanen

 

Le très beau film du réalisateur finlandais Juho Kuosmanen, Grand Prix du Festival de Cannes 2021, est un huis clos « en mouvement » qui nous conduit en train de Moscou à Mourmansk. Un russe et une finlandaise, que tout oppose, se retrouvent contraints de cohabiter dans un même compartiment pendant ce long voyage. Un voyage initiatique au cours duquel la jeune femme va peu à peu perdre la trace de tout ce qui l’a poussée à prendre ce train. Au rythme de cette traversée, sa quête, ses interrogations et ses doutes vont se diluer dans les flocons de cette neige qui recouvre ces terres lointaines. Une Russie, perçue à travers les vitres d’un compartiment, parfois entrevue derrière le filtre de l’objectif de cette caméra qui accompagne la jeune femme. Ces ombres blanches floconneuses, auxquelles elle s’accroche, semblent aussi insaisissables que ces pétroglyphes, objets de sa quête. 

Ce film, porté avec brio par les deux acteurs, nous enferme dans l’espace clos d’un train d’un autre âge. Lorsqu’il s’arrête dans les gares, on quitte cet espace intemporel, mais la neige, le silence et la rusticité des lieux continuent d’envelopper les personnages dans leur huis clos. 

Ce voyage nous conduit quelque part et fait de nous les témoins d’une transformation intérieure. 

 

 

"Le traducteur" de Rana Kazkaz et Anas Khalaf

 

1er long-métrage, coréalisé par deux cinéastes syriens en exil. Une fiction qui témoigne de la douleur du peuple syrien à travers le regard de son personnage principal, exilé en Australie. Lors d’une interview télévisée de l’équipe olympique syrienne de passage à Sydney, Sami qui est leur traducteur, fait un « lapsus ». Une « erreur » qui fait basculer sa vie et l’oblige à demander l’asile politique. Une décennie plus tard, il revient clandestinement en Syrie pour tenter de sauver son frère, arrêté lors d’une manifestation pacifique. Confronté au quotidien de ceux qu’il a laissés derrière lui, la réalité le rattrape. Elle n’est soudainement plus un acte politique combattu et vécu du lointain, mais une menace quotidienne où la peur, la délation et la mort sont à chaque coin de rue, où la torture et les disparitions sont le tragique destin des opposants au régime.

Ce film de fiction, dont l’action se situe en 2011, est un témoignage glaçant. Un thriller, à la lisière du documentaire, qui nous conduit au cœur de l’enfer syrien dans les rues d’un quartier de Damas. Comme il était impossible de tourner sur les lieux mêmes, les scènes furent tournées en Jordanie. 

 

 

"Julie (en 12 chapitres)" de Joachim Trier 

 

Que faire de sa vie ? Quelle voie choisir ? Et si l'on s'était trompé ? L'amour serait-il salvateur ? Aimer avec sincérité, mais ne pas trouver sa place auprès de celui qui a une passion créative. Aimer, certes ; mais que faire quand la faille toujours là ? En aimer un autre ? Tout quitter dans un perpétuel mouvement conduit-il quelque part ? Faut-il une nouvelle fois franchir le pas pour le savoir ? Franchir le pas, jusqu'à ce chapitre où tout bascule vers l'irréversible. Le très beau film de Joachim Trier.

 

 

"Mourir peut attendre" de Cary Joji Fukunaga

 

James Bond était attendu comme le messie, non pas pour sauver le monde, mais le cinéma. Si là n’est pas la vraie question, celle que pose ce dernier opus de la série avec Daniel Craig, concerne la mutation du personnage. Une surprise qui fait de 007 un autre. Bond n’est plus en service, mais le passé le rattrape et va l’obliger à quitter sa paisible retraite. Si les scènes d’actions, les gadgets et les effets spéciaux sont bien au rendez-vous, cette ultime mission nous fait découvrir la face cachée du célèbre agent. Il n’est plus cette imprenable citadelle où les femmes n’y sont admises que pour lui servir de « faire-valoir » ; il se laisse cette fois surprendre et emporter par autre chose. Quand une femme fait craquer le vernis de Bond, elle fait voler en éclats tous les codes qui habituellement « habillent » le personnage. Serait-ce le reflet des temps qui changent ? 

Cette mutation ne réjouira sans doute pas les fans, habitués à ce qui fait l’ADN de Bond, mais elle donne une autre façon de le voir une ultime fois sous les traits de Daniel Craig. Un Daniel Craig qui tire étonnamment et élégamment sa révérence.

 

 

"Les Éternels" de Chloé Zhao 

 

Chloé Zhao, réalisatrice d’un cinéma d’auteur et indépendant et dont le dernier film « Nomadland » a reçu plusieurs Oscars en 2021, prouve avec ce blockbuster, l’éclectisme de son talent.   

Malgré les contraintes des Studios Marvel, Chloé Zhao impose sa griffe. Elle a su habilement allier, dans un subtil montage, l’univers de Jack Kirby et sa façon très personnelle de filmer en y intégrant notamment la nature et la chevauchée des grands espaces. 

Ponctué d’effets spéciaux, à couper le souffle, cet alliage nous propulse dans d’autres dimensions où les temps ne sont pas ceux des humains, où les immortels découvrent les failles, voire les mensonges de leur dieu créateur. 

Pour sauver la terre, que les Éternels protègent et que certains d’entre eux se sont mis à aimer, ils vont devoir affronter les Déviants (monstres dinosaures) que tous croyaient anéantis. Ces derniers se sont réveillés sous les effets du changement climatique terrestre, comme ce permafrost qui demain pourrait libérer les pires bactéries, s’il se mettait à fondre. Le message est clair et les effets spéciaux et combats sont à la hauteur des enjeux. 

Chloé Zhao franchit les frontières des genres avec la même aisance que les Éternels traversent le temps. 


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